COGITO ERGO SUM

COGITO ERGO SUM

L’éternité vient dans le temps, l’immensité dans la mesure, le Créateur dans la créature, Dieu dans l’homme, la vie dans la mort… » (Saint Bernardin de Sienne. De triplici Christi navitate)

Homo faber (fabriquant d’outil pour les philosophes), Homo erectus (debout), Homo habilis (habile), Homo sapiens (pensant), Homo ergaster (artisan), que d’hommes que d’hommes… Cette multitude d’ancêtres potentiels, fils, cousins plus ou moins éloignés, ont reçu à leur baptême le titre suprême d’Homo. Cette nomination l’a été le plus souvent à divers titres, pour le volume conséquent de leur cerveau, pour la maîtrise de la bipédie érigée, pour leurs facultés artisanales ou leur habileté à transformer de la matière inerte en outil. Cette légion de définitions amène à considérer que l’on est homme quand l’on marche debout, quand on est habile de ses mains ou quand l’on porte une grosse tête, pleine ou non, ce que ne précise pas la définition se référant au volume de la matière cérébrale. On ne saura en effet jamais si cette fameuse matière était grise ou blanche*. Un seul émergera réellement de cette cohorte, celui qui est jugé comme potentiellement apte à penser, sans que l’aptitude dont il pourrait faire preuve dans ce domaine, ne donne aucune certitude sur l’utilisation qu’il aurait pu en faire.

*La matière grise est constituée essentiellement de neurones, tandis que la matière blanche correspond aux gaines de myéline des axones.

« Je pense donc je suis » disait Descartes. Faut-il à partir de cette réflexion imaginer une gradation dans l’existence même de l’être ou interpréter le « je pense » comme un tout indivisible fonctionnant dans un système binaire : je pense ou je ne pense pas, donc je suis ou je ne suis pas. Utilisée, comme l’a exprimé Descartes, à la première personne du singulier, cette formule ne laisse aucun doute sur le oui ou le non, puisque le fait même de pouvoir poser la question ne permet aucune autre possibilité de réponse, le OUI devenant donc la seule réponse possible. « To be or not to be » apparaissant dès lors comme le stade ultime du « ergo sum » cartésien. En se posant cette question existentielle, on entre obligatoirement dans un système de type Moebius, c’est-à-dire infini, renvoyant sans cesse la réponse à la question. En s’interrogeant sur son état, Hamlet fait pénétrer le spectateur dans un cercle mental sans espoir de trouver une solution définitive et surtout cohérente vis-à-vis de lui-même (qui d’ailleurs se fait passer pour fou dans l’histoire). Mais la problématique devient beaucoup plus complexe à la troisième personne du singulier: « il pense donc il est ». Sous cette forme, il apparaît légitime de se donner une définition de la pensée intégrant une échelle de valeur, c’est-à-dire définissant d’éventuels niveaux de pensée. Formulation qui pose la question de la densité de l’être ; est-elle plus grande chez le génie que chez le simple d’esprit, chez un homme moderne que chez un de nos ancêtres. Or les philosophes, et plus encore les anthropologues, sont continuellement interpellés par la pensée de « l’autre », que celui-ci soit contemporain ou disparu depuis des millénaires.
De façon étrange et paradoxale en ce qui concerne Descartes, cette question interroge le divin qui apparaît comme la seule réponse possible, l’Etre suprême étant le seul à pouvoir dire « je suis ». « Je suis celui qui suis » répond-t-il à Moïse quand ce dernier s’interroge, autrement dis je suis le « Tout » (passé, présent et avenir).
En créant l’homme après les animaux, Dieu dit: « Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail; enfin sur toute la terre, et sur tous les êtres qui s’y meuvent », il unit en un seul instant la pensée et l’être, résolvant d’un coup la quadrature du cercle concernant la chronologie « être/pensée » sans possibilité d’intégration différée. Le « je pense donc je suis », qui devient l’égal de « je suis donc je pense », définit ainsi le statut d’homme sans prééminence du conceptuel sur le réel ou inversement. Cette bijectivité réciproque de l’équation simplifie la définition que l’on peut donner de l’homme sans toutefois permettre d’appréciation subjective sur le qualitatif de l’être ou de la pensée. Il s’agit donc d’un système tout ou rien, très proche de celui énoncé par Descartes. Il apparaît impossible de tester cette hypothèse dès lors que le « tout » est indissociable, sans intégrer une vision extérieure subjective utilisée comme outil analytique. Térence avec son célèbre « Homo sum : humani nil a me alienum puto« , pose comme nécessité le fait d’être homme pour pouvoir analyser l’homme. Dans ce processus introspectif, on conçoit clairement que l’être est contenu en totalité dans chaque être « tout ce qui est humain » mais sans que le « non être », celui- qui ne pense pas, puisse avoir connaissance de sa nature. L’état d’homme « l’être » de Descartes apparaît une fois de plus comme un concept philosophique impossible à caractériser l’homme comme individu ou plus largement comme espèce.

L’utilisation par les paléontologues du postula « il pensait, donc il était », notamment dans le cas de sapiens, remet totalement en question la définition de l’être, non pas en tant qu’individu simplement vivant, mais comme sujet capable de réflexion et d’intégration mentale, menant à la transcendance. Seul sapiens semble pouvoir répondre à la définition d’Homo prise dans son assertion la plus stricte, c’est-à-dire englobant la notion d’être pensant, relevant donc du pléonasme qui associe si étroitement la pensée à l’être, que ni l’un ni l’autre ne peuvent se dissocier.
Cette prise de position purement philosophique rejette ipso facto dans les ténèbres du monde animal tous les ancêtres « non pensant », même si ces derniers sont capables de performances dans le domaine de la motricité, de l’artisanat ou de la socialisation, cette dernière étant alors considérée comme une manifestation innée, caractérisant certains groupes d’animaux sans que des mécanismes d’acquisition mentale n’en modifient sensiblement le contenu.

La course effrénée consistant à vouloir trouver l’Homo le plus ancien, à partir de données à priori incontrôlables, tient donc plus de la concurrence intraspécifique des hommes de sciences actuels, forme moderne de la lutte pour la conquête territoriale, que d’une véritable démarche scientifique ou philosophique. Si l’homme est « être », comment dés lors caractériser tous ceux qui, étape par étape, conquirent un jour la faculté de penser ? Entre les « Pithèque » qui sont encore des singes, et les « Homo » qui sont des êtres pensant, existe ainsi un espace flou, occupé par ces générations de « Préhomo » à la pensé sans doute fragile, et aux productions artisanales encore trop incertaines, pour être parés du titre d’Homo sapiens.

L’étude objective des restes fossiles montre sans ambiguïté qu’il est matériellement, et de fait conceptuellement, impossible de définir l’apparition de l’homme au sens métaphysique du terme en se basant sur les caractéristiques morphologiques des Préhomo.

                  La bipédie, référence essentielle pour certains, a été ainsi vraisemblablement acquise dans sa forme moderne, c’est-à-dire permanente et verticale, avant même la période préhominienne.

                      L’outil, quant à lui définit encore plus difficilement les capacités de l’individu à réaliser une tâche nécessitant un mode de réflexion. L’utilisation de pierres pour ouvrir une noix ou un coquillage, est très largement répandue chez les singes et les loutres sans que la pensé puisse être considérée le moteur de l’acte lui-même, et que penser du corbeau ou du goéland qui projette des moules ou des noix sur les rocher ? Le marteau, le plus primitif des « outils » ne peut ainsi être désigné comme un signe probant d’hominisation s’il n’est pas associé à un clou ou à une cheville. L’outil en tant que matérialisation de la pensée pourrait être défini comme « l’outil de l’outil », c’est-à-dire propre à réaliser un instrument original. Si le simple galet cassé en deux ne peux être considéré comme un outil à proprement parler, le chopper destiné à façonner le silex peut a contrario, correspondre parfaitement à cette définition (Oldolwayen). Il est bien difficile sur le terrain de reconnaître les étapes intermédiaires, d’autant que l’enthousiasme de la découverte oriente souvent vers des mécanismes de construction mentale qui parasitent l’interprétation.

             Le volume du cerveau n’est pas, contre toute attente, lui aussi un référent permettant d’affirmer que son fonctionnement correspond véritablement à un processus mental suffisamment élaboré pour définir avec certitude l’Homo. La taille du cerveau de Néandertalis était plus volumineuse que celle de Sapiens, sans que l’on puisse attribuer à Néandertalis une potentialité neuronale supérieure à celle de son cousin Sapiens.

            Reste l’artisanat et l’art, deux signes patents d’hominisation tardive, mais incontestables comme stigmates du processus mental. Art pris dans son assertion esthétique originelle, et non dans son sens post moderne consistant à promouvoir un monochrome comme expression artistique.

Les querelles permanentes entre spécialistes pour différencier deus espèces, ou deux formes voisines d’une même espèce (La place occupée par Homo Ergaster vis-à-vis d’Homo erectus et d’Homo habilis avec Homo rudolfensis), sont bien là pour mettre en lumière les difficultés réelles de la taxinomie humaine et préhumaine.

Depuis qu’il est apparu, animal pensant, l’homme a cherché à savoir d’où il venait et où il était susceptible d’aller après la mort. L’invention d’un, ou de plusieurs dieux permit dès le début de l’hominisation de limiter le vertige existentialiste engendré par l’immensité de l’univers et la petitesse de l’homme, soumis à un environnement hostile. Le fait d’avoir été créé par un père divin et de le retrouver dans l’au-delà, donna une direction et un sens à la pensée humaine qui se structura peu à peu autour du langage pour communiquer avec ses semblables, et de la prière comme intermédiaire avec le divin. Le développement de la philosophie enrichit la pensé humaine qui s’ouvrit à la réflexion métaphysique et à l’introspection. Le « Qui suis-je ? » de Socrate, s’il n’apporte pas de réponse définitive, cristallise le questionnement du « ni animal, ni divin », c’est-à-dire du positionnement moral de l’individu dans une société qui ne prend en compte qu’une mosaïque d’egos, sans pouvoir en unifier la substance. Plus tard la psychanalyse, ne fera rien d’autre que de chercher à répondre à cette question en explorant l’inconscient (la part animal en soi), mais là encore, sans pouvoir donner de réponse exacte quant à la nature de l’être. L’Ecce homo de Nietzsche répond en partie à ce questionnement obsessionnel de l’homme. Pour lui la pensé est « corporelle », la philosophie n’apparaissant que comme une exégèse du corps, donc comme une interprétation de l’Etre.
Dès sa mutation d’animal en homme, ce dernier entreprendra la quête de ses origines, fouillant son passé pour mieux structurer le présent et envisager l’avenir. De religieuse, puis philosophique, la réponse à la question obsessionnelle de ses origines deviendra de plus en plus scientifique. Ce glissement de la réflexion vers les disciplines scientifiques ne pourra cependant aboutir, si la synthèse entre le matériel et le spirituel ne s’opère pas. L’observation d’un crâne ou d’un outil, aussi précise soit-elle, ne sera jamais la clé unique qui permettra de décoder le « cogito ergo sum » à l’origine de l’homme.

Dans la genèse Dieu créé l’homme en deux étapes, animal vivant sans connaissance, mais déjà super-prédateur, puis par la transformation transcendantale du péché, homme pensant.

Genèse (1-26)

Dieu dit: « Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail; enfin sur toute la terre, et sur tous les êtres qui s’y meuvent ».

Genèse (1-27)

Dieu créa l’homme à son image; c’est à l’image de Dieu qu’il le créa. Mâle et femelle furent créés à la fois.

Genèse (2-7)

L’Éternel-Dieu façonna l’homme, – poussière détachée du sol, – fit pénétrer dans ses narines un souffle de vie, et l’homme devint un être vivant.

Dieu a-t-il voulu réellement créer un animal à son image ? Dieu étant tout et partout, toutes les créatures se réfèrent de lui et sont potentiellement à son image, alors pourquoi cette création tardive (6ème jour) et surtout pourquoi le soumettre à la tentation, pulsion animale issue de la partie archaïque de son cerveau reptilien. Dans cette dimension, et contrairement à Dieu qui « est celui qui est », l’homme d’avant le péché apparaît comme celui qui « est sans être ». Pourquoi dés-lors punir un être vivant au nom d’homme, mais à la pensé animale ? Fallait-il induire ce passage initiatique ? Autrement dit, le péché originel était il le seul chemin susceptible d’être emprunté par le futur homme ? Si oui, la pensé de Dieu étant universelle et omnipotente, Dieu avait volontairement organisé cette épreuve pour que la connaissance soit volée et non acquise. Suivant ce schéma, l’homme ne peut que progresser, mais chaque progrès sera source de souffrances nouvelles. En punissant l’homme, qui connaît désormais le Bien et le Mal, le Vrai et le Faux, il lui donne un nouveau statut, une nouvelle indépendance vis-à-vis de lui-même, mais aussi la charge existentielle du « pourquoi la vie ». La pensé, moteur de la connaissance, naît donc de la transgression, voire du viol d’un interdit purement divin. Dans l’ancien testament, c’est par la bouche que la connaissance pénètre le corps de l’homme, référence au logos philosophique qui ne peut exister sans l’installation concomitante du langage. La morsure dans le fruit défendu qui contient le bien et le mal en elle, est un geste symbolique qui stigmatise à la fois le don « elle cueillit de son fruit et en mangea; puis en donna à son époux » de la femme à l’homme, l’acceptation « et il mangea », et par cette transmission l’éveil « Alors leurs yeux à tous deux s’ouvrirent ». La connaissance est ainsi le fruit d’une cinétique de la communication et du partage. On devient homme parce que l’on est capable de se définir comme tel, et de communiquer sa connaissance par le logos, qui devient à cet instant la courroie de transmission des acquis. Pour la première fois, l’acquis parlé se superpose à l’inné pour générer un être nouveau, le verbe divin par qui tout a été créé, est désormais en possession de l’homme, de la même façon que Prométhée façonna l’homme à l’image des dieux à partir d’argile, le fera tenir debout sur ses deux jambes (inné) avant de lui enseigner l’art et de lui donner le feu sacré (acquis). Dans la mythologie, comme dans la Bible, ont distingue bien l’inné, issu des « non hommes » ou des « pas encore hommes », de l’acquis volé, plus que donné par Dieu. Et c’est finalement de l’acquis « cogito » que naîtra la connaissance de l’inné « sum ». Cette capacité nouvelle donnée à l’homme, n’intervient que les semaines suivant la création. Ce n’est donc pas avant le huitième jour (Dieu se reposant le septième) que l’homme d’argile, animé d’un souffle divin, décillera ses yeux et découvrira son corps « Il vit qu’il était nu » et son esprit « et l’homme et sa femme se cachèrent devant Yahvé Dieu parmi les arbres du jardin » conscient d’avoir fauté.
Si l’on donne des durées variables aux jours de la genèse, plusieurs dizaines de milliers d’années, voire plusieurs millions pour les premiers jours, on s’aperçoit que pendant plus de deux jours bibliques, Adam, créé homme à l’image de Dieu le sixième jour, vit sans conscience de son créateur qui ne s’adressera à lui qu’au 16ème verset du 2ème paragraphe de la Genèse.

Genèse 11, 16 ;

L’Éternel-Dieu donna un ordre à l’homme, en disant: « Tous les arbres du jardin, tu peux t’en nourrir ».

Genèse 11, 17 ;

…mais l’arbre de la science du bien et du mal, tu n’en mangeras point: car du jour où tu en mangeras, tu dois mourir! »

C’est par la mort que l’homme naîtra à la vie, par cette fin inéluctable qu’Adam prendra conscience qu’il « est ». L’extraction du monde animal passe irrémédiablement par ce choix, soit tu demeures sans être, soit tu seras, et tu sauras que « tu dois mourir ». Comment, dès lors qu’il n’est qu’un simple corps animé d’un souffle divin, l’homme pourrait-il choisir d’être ou ne pas être ? Aucune possibilité ne s’offre à lui, il est dans l’obscurité ne discernant ni passé ni avenir, se mouvant dans un espace-temps virtuel. Il faudra une intervention d’une autre créature divine, le serpent pour rompre l’harmonie paradisiaque. Ce dernier, incarnation de l’ange déchu pour les uns, de Lilith pour les autres, possède la connaissance. C’est en quelque sorte l’antimatière de Dieu qui va interagir pour offrir aux hommes ce qui leur manque pour être l’égal de Dieu « Dieu sait que, du jour où vous en mangerez, vos yeux seront dessillés, et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal. » (Genèse 3, 5).
C’est à la femme que le serpent s’adresse, à un être sexué et non plus à l’homme en général. Eve croquera dans le fruit défendu avant son époux, découvrant ainsi, avant Adam qu’elle « est » dans son assertion sartrienne (être, avoir, faire). Cette connaissance, c’est donc « la chair de sa chair » qui l’offrira à Adam « Celle-ci, cette fois est l’os de mes os et chair de ma chair… Elle sera appelée femme (Icha); car elle a été prise de l’homme (Iche) ». Eve n’est donc qu’une entité issue d’Adam, une partie de son corps, un dédoublement de l’androgyne initial, son « avoir ». Ce n’est donc pas la femme en tant que telle qui est stigmatisée dans ce péché originel, mais une part de l’homme. C’est l’homme qui sera puni, l’homme qui mourra, l’homme qui passera du stade hominien à celui de Sapiens en acquérant un savoir « faire », même si cette notion englobe la culture de la terre pour gagner son pain. La connaissance, une fois acquise, passera de générations en générations sans possibilité de retour en arrière. L’homme sait qu’il « est », qu’il « a » et qu’il « peut faire ». Dieu demeurera impuissant à gouverner cette créature qu’il a créé, ses colères et ses invectives ni feront rien. Ni le déluge, ni les multiples punitions infligées aux hommes, pas plus que les menaces de jugement dernier n’infléchiront le développement de la connaissance qui se poursuivra jusqu’à la fin des temps ou à la mort de Dieu. Le meurtre du père freudien dans la tribu primitive, n’exprime finalement rien d’autre, l’homme tuera le père pour prendre sa place car désormais il « est ». « Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et c’est nous qui l’avons tué ! Comment nous consoler, nous les meurtriers des meurtriers ? Ce que le monde a possédé jusqu’à présent de plus sacré et de plus puissant a perdu son sang sous notre couteau. — Qui nous lavera de ce sang ? Avec quelle eau pourrions-nous nous purifier ? Quelles expiations, quels jeux sacrés serons-nous forcés d’inventer ? La grandeur de cet acte n’est-elle pas trop grande pour nous ? Ne sommes-nous pas forcés de devenir nous-mêmes des dieux simplement — ne fût-ce que pour paraître dignes d’eux ? » (Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche). La tentation des tentations de l’homme, « devenir Dieu » se trouve irrémédiablement interdite par le non accès à l’éternité, la seule chose qui différencie désormais l’homme de Dieu ; Genèse 3,22 « Puis Yahvé Dieu dit : Voilà que l’homme est devenu comme l’un de nous, pour connaître le bien et le mal ! Qu’il n’étende pas maintenant la main, ne cueille aussi de l’arbre de vie, n’en mange et ne vive pour toujours ! ». Dès cet instant l’homme sait qui retournera irrémédiablement à la terre dont il est issu « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front, jusqu’à ce que tu retournes à la terre dont tu as été tiré. Car tu es fait de poussière et tu retourneras à la poussière» (Genèse 3,19), il est devenu sapiens, refoulant du coup dans les limbes de l’évolution les habilis, erectus, faber, ergaster et tous les autres préhominiens.
Au sixième jour Dieu crée l’homo, au huitième ou neuvième jour Sapiens, qui a prétendu qu’il n’y avait pas trace d’évolution dans la Genèse ?