ET DIEU CRÉA LA FEMME

ET DIEU CREA LA FEMME

« Les femmes n’ont qu’à se souvenir de leur origine, et sans trop vanter leur délicatesse, songer après tout qu’elles viennent d’un os surnuméraire où il n’y avait de beauté que celle que Dieu y voulut mettre. »
                                                                                                                (Jacques Bénigne Bossuet)

= Création de la femme

En lisant la Bible chrétienne il est impossible de comprendre comment fut crée la première femme, puisque celle-ci est faite à l’image de Dieu en même temps que l’homme dans le premier chapitre de la Genèse, puis modelée à partir d’une côte d’Adam dans le second. Ce phénomène de dédoublement ne semble pas interpeler le monde chrétien, à l’inverse des réflexions menées depuis les origines par les rabbins dans l’analyse cabalistique (la Kabbale comprend « Loi orale et secrète » dictée par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï et la Torah).

« Dieu dit : Faisons l’homme à notre image comme notre ressemblance et qu’il domine sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre » (Genèse I, 26). « Dieu créa l’homme à son image; c’est à l’image de Dieu qu’il le créa. Mâle et femelle furent créés à la fois » (Genèse I, 27) (traduction du Rabbinat).

« De la côte qu’il avait prise à l’homme l’Eternel Dieu forma une femme qu’il amena à l’homme » (Genèse II, 22).

Si comme il est dit dans le deuxième chapitre de la Genèse, Eve est tirée d’une côte d’Adam, la première, qui n’était pas femme, mais femelle dans le texte, n’était donc pas la mère universelle.

                               Créat Eve
Il faut lire les commentaires de Rachi, la Genèse Rabba, de Rabbi Yehouda Bar Rabbi et l’Alphabet de Ben Sira (10ème siècle) pour pouvoir interpréter ce double discours.

« Dieu créa Adam et vit qu’il était seul. Il dit : « Il n’est pas bon pour un homme d’être seul ». Alors, Il créa une femme, à partir de la terre comme Adam et Il l’appela Lilith. Adam et Lilith se querellèrent. Il lui dit : « Je ne me coucherai pas sous toi, mais seulement au-dessus de toi. Tu es faite pour être dessous, parce que je te suis supérieur ». Lilith répondit : « Je ne me coucherai pas sous toi mais sur toi. Nous sommes égaux, nous avons été créés de la même terre ». Aucun des deux ne voulut céder. Quand Lilith le vit, elle prononça le Nom Ineffable et partit dans les airs» (Alphabet de Ben Sira).

« Le Saint, béni soit-il, avait créé une première femme, mais l’homme, la voyant rebelle, pleine de sang et de sécrétions, s’en était écarté. Aussi le Saint, béni soit-il, s’y est repris et lui en a créé une seconde » (Genèse Rabba 18:4).

Ces textes sont parfaitement explicites en ce qui concerne la création d’une seconde femme. Pour faire bonne mesure, l’auteur ajoute au comportement rebelle de Lilith, le fait qu’elle était : pleine de sang et de sécrétions, image peu flatteuse de celle qui ose dire non à Adam et à Dieu.

                       Lili 1                 lilit 2
Sans commentaire, le texte biblique reste donc parfaitement abscons. Lilith, (Nuit en hébreux) dont il est question dans ces deux commentaires, n’est en fait citée que deux fois (Isaïe et Job), sans que l’on puisse interpréter véritablement son rôle.

                                              lilit3
Suite à la première scène de ménage de l’histoire pour une affaire de sexe (déjà), on assiste au premier divorce, arbitré par Dieu qui donne tous les tords à la femme. Son refus de se laissé dominer par Adam, qui est son égal et qu’elle reconnaît comme tel, la conduit inexorablement de l’autre côté de la barrière, vers l’espace démoniaque.

Elle se voit en conséquence punie par Dieu, premièrement de voir tous ses enfants mourir à la naissance. Mais, désespérée par cette mort qui ne peut plus que naître d’elle, elle décide de se suicider. Les anges lui donnent le pouvoir de tuer les enfants des hommes (jusqu’à la circoncision au huitième jour, pour les garçons, et jusqu’au vingtième jour pour les filles). Elle rencontre ensuite le démon Samaël, l’épouse et s’installe avec lui dans la vallée de Jehanum » (Alphabet de Ben Sira).

Devant le désarroi d’Adam, Dieu décide de lui créer une deuxième compagne, mais cette fois à partir de sa propre chair, finie l’égalité des sexes.

« Le Seigneur se dit : « Il n’est pas bon que l’homme reste seul. Je vais lui faire une aide qu’il aura comme partenaire » (Genèse11,18).

= Eve, femme fatale

Dieu étant omnipotent et omniscient, rien d’étonnant qu’il ait plusieurs cordes à son arc. Dans le deuxième paragraphe de la genèse, il apparaît très clairement comme le premier chirurgien anesthésiste de tous les temps.

L’intervention commence naturellement par une anesthésie, ce qui pour l’époque de l’écriture biblique devait être assez difficile à concevoir, même si l’utilisation de drogues était déjà bien connue.

« L’Éternel-Dieu fit peser une torpeur sur l’Homme, qui s’endormit… »

Puis par l’extraction du matériel nécessaire à la « fabrication de la femme »

« il prit une de ses côtes, et forma un tissu de chair à la place » (Genèse II, 21).

Si Dieu avait effectivement ôté une côte à l’homme, ce dernier devrait en compter une de moins que la femme, ce qui n’a jamais pu être constaté. D’autre part, cette ablation aurait dû laisser une large cicatrice, non visible chez les descendants d’Adam. Une autre lecture peut être effectuée en considérant que ce n’est pas au sens propre une côte, mais du tissu hématopoïétique prélevé avec un trocart, qui a été réalisée, raison pour laquelle aucune côte ne manque et qu’il n’y a pas de cicatrice.
La génétique moderne permet de répondre à cette question. Le nombre de côtes étant identique chez l’homme et chez la femme, Dieu n’a utilisé que du matériel sanguin indifférencié pour réussir le premier clonage de l’histoire humaine, en laissant la côte in situ (il est évident qu’il ne pouvait bénéficier à l’époque du sang de cordon pour mettre en culture des cellules souches). Les textes précisent même que Dieu « forma un tissu de chair à la place ». Il ne s’agit donc pas d’une ablation (ectomie, de ektemnein, « exciser»), mais d’une ouverture (tomie de temnein « couper ») après prélèvement d’un échantillon.

« L’Éternel-Dieu organisa en une femme la côte qu’il avait prise à l’homme, et il la présenta à l’homme » (Chapitre 2, 22).

Dieu « organisa, forma, façonna, fit, aedificavit », suivant les traductions, une femme à partir du matériel prélevé. Jusqu’à ces dernières décennies le sens de cette intervention divine restait obscur, et il était difficile d’imaginer Dieu entrain de bricoler Eve dans un coin du Paradis, même s’il connaissait la méthode, puisqu’il avait déjà créé Lilith.

La technique utilisée par Dieu ne peut donc relever que du clonage. Adam d’ailleurs ne s’y trompera pas en déclarant « Pour le coup c’est l’os de mes os et la chair de ma chair » qui est également traduit par « Celle-ci, pour le coup, est un membre extrait de mes membres et une chair de ma chair, celle-ci sera nommée Icha, parce qu’elle a été prise de Ich. » (Genèse II, 24)» (traduction du rabbinique).

La dernière remarque concerne le matériel chromosomique prélevé. Eve possédant deux chromosomes X, alors qu’Adam n’en a qu’un seul, il est clair que Dieu utilisa au moins deux cellules, réalisant in vitro une cellule avec exclusion du chromosome Y, remplacé par l’X d’une deuxième cellule. Bien que la Bible ne précise pas si l’intervention a réussi du premier coup, on peut penser que Dieu était un opérateur génial compte tenu du résultat.

Cette fois Dieu et Adam, peuvent être tranquilles, il s’agit d’un clone qui sera totalement soumis à celui qui à donné sa chair. Avec beaucoup de pudeur, le texte biblique parle « d’aide », s’engageant donc assez peu dans le domaine de la soumission et de la domesticité. Cette formule, assez peu explicite, sera précisée par la sanction infligée à Eve.

« Il dit ensuite à la femme… Tu te sentiras attiré par ton mari, mais il dominera sur toi » (Genèse III, 16).

C’est fois l’affaire est close, Eve, créée par la volonté de Dieu est clairement sous la domination de l’homme, exit Lilith qui avait eu l’impudence de se croire son égal. Les trois religions monothéistes appliqueront à la lettre ce concept dicté par un Dieu dominateur et misogyne, en oubliant toute fois la première femme d’Adam, victime expiatoire de la domination masculine, exclue à la fois du Paradis et des textes sacrés.

= Eve, une blonde ?

La couleur des cheveux de la première femme (Lilith) et de la seconde (Eve) a été diversement appréciée suivant les époques et les cultures. Bien que Lilith soit le plus souvent représentée sous les traits d’une rousse aux yeux verts, de très nombreux tableaux la montrent brune ou châtain. La Bible et les commentaires du Talmud ne donnent pas de détails à ce sujet. La couleur rousse de son abondante chevelure a souvent été associée à sa personnalité démoniaque et dévoreuse d’hommes. La très volumineuse iconographie la concernant la représente à plus de soixante pour cent comme rousse.
Faux t-il voir dans cette couleur de cheveux un parallèle avec celle des Néandertaliens (plusieurs études récentes concluent que les populations néandertaliennes pourraient avoir été rousses). Lilith et Adam du premier chapitre de la Genèse pourraient dans ce cas être assimilés aux Néandertaliens, tandis que l’acquisition de la connaissance faisait passer Adam du stade Néandertalien à celui de Sapiens, si toutefois il existe un lignage entre les deux populations, ce qui est aujourd’hui contesté.
Pourquoi pas ? Mais ce serait laisser sur le bord de la route les fantasmes masculins refoulés de la civilisation judéo-chrétienne. A côté de la femme soumise, Eve, dont l’homme peut disposer à volonté, se dresse l’icone de la femme qui résiste aussi bien à Dieu qu’à la gente masculine. Inaccessible, elle devient le symbole de la volupté absolue, idéalisée, fantasmée dans une dimension sadomasochiste qui associe le démon, le mal, la souffrance au désir impure. Cette femme/démon ne peut être qu’idéalement belle, parée de la beauté de Lucifer dont elle est l’épouse. Or pour l’homme cette femme c’est « l’autre », celle qu’il ne peut rencontrer, qu’il imaginer à l’opposée des femmes qu’il côtoie, c’est le mythe de la femme blonde pour le noir, d’Esméralda pour Quasimodo, de toutes les Lolita anciennes ou actuelles. Pour déterminer la couleur de la chevelure de cette ensorceleuse, il faut donc imaginer quels pouvaient être les fantasmes masculins de la période supposée de la rédaction des textes bibliques (période de l’exile babylonien, -700 Av JC), ou des attendus rabbiniques postérieurs (8ème-10ème siècle).
D’après les traditions talmudiques, Lilith serait rousse, aux yeux noirs et au teint sombre. Cette représentation donne en fait une image allégorique de la Lilith sumérienne (en akkadien Lilitu, la nuit). La peau sombre, les yeux noirs sont les attribues de l’obscurité, tandis que la chevelure rousse exprime le feu démoniaque et l’appétit sexuel inextinguible de la première femme créée par Dieu. Les tablettes sumériennes nous montrent une démone aux traits gynoïde marquée, à la chevelure abondante, porteuse d’une paire d’ailes qui évoque la déesse Isis égyptienne.

La peau sombre et les yeux noirs, ne semblent cependant pas en adéquations avec la chevelure rousse, représentation fantasmagorique des voluptés démoniques. Dans une région où les femmes présentent des cheveux sombres ou noirs, et une peau mate, il est aisé d’imaginer la représentation mentale fantasmée des hommes de l’époque, chevelure rousse, peau claire, voire laiteuse, yeux verts… Ces critères seront repris par beaucoup d’artistes qui associeront systématiquement aux formes généreuses, voire pulpeuses de Lilith, la sensualité érotique d’une femme fatale. La représentation de Lilith est donc avant tout l’expression libidinale d’une culture religieuse centrée sur l’interdit.
Il est tout aussi difficile de déterminer la couleur des cheveux d’Eve, faite mère autant que femme, que pour sa devancière Lilith « L’homme donna pour nom à sa compagne « Ève » parce qu’elle fut la mère de tous les vivants ». On notera que c’est Adam qui donne son nom à sa compagne, de la même manière qu’il avait, à la demande de Dieu, donné leur nom à tous les animaux de la création. Il ne subsiste aucune ambigüité cette fois, c’est bien le mâle qui décide de tout. Cette assertion ne nous renseigne toutefois pas sur la couleur de ses cheveux. Le seul document évoquant ce point essentiel de la genèse se trouve dans les commentaires talmudiques qui évoquent une couleur châtain clair (tirant sur le blond), et une peau claire. Ce dernier caractère renforce bien évidemment le contraste entre la nuit et le jour, la noirceur et la clarté, le démon et l’ange, le mal et le bien… Dieu qui, il faut bien l’admettre avait fait une erreur (on se demande comment c’est possible le concernant) en créant la femme à l’égal de l’homme, tente de se rattraper par un bricolage divin pour tenter de récupérer une situation durablement compromise. En chassant Lilith, la noire, il créé Eve la claire par clonage d’Adam ce qui, dit en passant montre qu’Adam devait lui aussi être blond. La tradition picturale avalise très largement cette notion puisque sur un échantillon de vingt-cinq représentations d’Eve et d’Adam, on compte dix-neuf blondes, soit soixante-seize pour cent.

= Eve callipyge

Il n’est de fesse que chez l’homme, disait Buffon, les autres animaux ne disposant que de croupe, d’arrière train ou de cul comme notre cousin le singe. La fesse serait-elle apparue pour nous permettre de nous asseoir et de méditer ? Hypothèse Lamarckiste osée qui ferait de la partie la plus charnue de notre individu le siège de la pensée. Non ! la fesse est bien arrivée pour que nous la regardions.
En ce temps là (avant le sixième jour), quand la fesse était encore à venir la reconnaissance sexuelle des principaux primates passait par la vue et l’odorat.

= La vue pour apprécier l’état juvénile ou adulte d’un individu. Les couleurs des callosités jouxtant les organes sexuels de la femelle permettent au mâle d’apprécier sa réceptivité sexuelle. Les parures faciales du mandrill permettent non seulement de distinguer aisément son sexe, mais encore de reconnaître le mâle dominant…

= L’odorat permet de marquer un territoire sexuel ou d’apprécier la période du rut. En fonction des espèces ces deux paramètres permettaient donc la reconnaissance entre les partenaires de sexes différents mais aussi de fixer les limites à ne pas franchir pour les individus du même sexe. Les jeunes encore impubères ou « indifférenciés » ne présentant pas encore les stigmates propres à assurer la reproduction.

Chez nos premiers ancêtres glabres (tout de suite après le péché originel), la perte des caractères sexuels olfactifs secondaires à la chute des poils, et à la disparition concomitante des glandes apocrines posa un véritable problème de reconnaissance sexuelle intra spécifique, problème d’autant plus grand que la bipédie masquait désormais les organes sexuels de la femelle. Il n’était désormais plus possible de compter sur les rares poils encore présents (pubiens et axillaires) uniquement destinés à déterminer la différenciation entre juvéniles et pubères.

Bien que la sudation apocrine garde une odeur caractéristique (que l’on assimile de façon erronée à une odeur de transpiration eccrine totalement inodore). Il est rare que cette effluve corporelle, souvenir de nos lointaines origines, serve encore à marquer un quelconque territoire sexuel). Il faut se rendre à l’évidence, c’est la fesse qui a fait la différence.

La fesse d’homo sapiens résulte de deux acquisitions majeures :

En premier lieu, le développement du moyen fessier, organe clé de la bipédie exclusive, c’est lui qui maintient le bassin horizontal lors de la marche. La paralysie de son nerf ou sa non utilisation lors de la marche rapide donne une démarche chaloupée caractéristique que l’on peut observer chez les compétiteurs de marche à pied.
En second lieu, le développement de tissus adipeux au niveau des fesses et des hanches, caractère dit gynoïde retrouvé chez les premières représentations de la femme.

La reconnaissance sexuelle des Homo se base donc sur des critères strictement visuels. L’homme présente une forme dite androïde (hanches étroites, épaules larges), tandis que la femme est de type gynoïde (hanches larges, développement de panicules lipidiques sur les cuisses, épaules plus étroites).

Cette différence est le résultat d’une mutation portant sur une enzyme membranaire chargée de capter les triglycérides plasmatiques véhiculés par les lipoprotéines. Cette enzyme, la lipoprotéine lipase tissulaire a acquis, au niveau des fesses, des cuisses et des hanches une sensibilité particulière aux œstrogènes circulants.
Dès l’instant où des œstrogènes (hormone féminine), sont en circulation (à partir de la puberté pour la jeune fille, or Eve d’après les textes, a été créée femme sans avoir eu de puberté), l’affinité de cette enzyme augmente et provoque l’accumulation de graisse dans les régions concernées. Il est important de noter que la différence sexuelle ne porte pas sur le type d’enzyme (ce dernier est identique chez l’homme et la femme), mais sur sa sensibilité aux œstrogènes. Si l’on administre des œstrogènes à un homme, il prend lui aussi un phénotype gynoïde.
Le métabolisme de ces adipocytes se comporte de façon autonome, indépendamment de l’apport nutritionnel. Contrairement aux autres adipocytes, ces derniers ne répondent pas à la restriction calorique ni à la pratique d’exercices dits abdo-fessiers qui auront pour effet de muscler la fesse sous le gras.
La mutation à l’origine de cette différenciation est certainement contemporaine du redressement et de la chute des poils, c’est-à-dire de la punition divine. En donnant des fesses à Eve, que l’on peut imaginer callipyge, compte tenu des tableaux la représentant, Dieu faisait à l’homme un merveilleux cadeau.
La question reste posée en ce qui concerne Lilith, crée à l’image de Dieu (certainement un misogyne) contrairement à Eve, modelée à partir de la côte d’Adam.